Seule dans sa chambre, Salomë s'approche du miroir fixé au mur, près de la fenêtre.
Des semaines qu'elle n'est pas sortie de sa chambre... son teint est livide, presque gris. Les cernes sous ses yeux ressemblent à un précipice sans fond, et ses joues rebondies ne sont plus qu'un souvenir.
Des migraines terribles, une absence totale d'appétit, et une fatigue immense se sont abattues sur elle voilà presque un mois.
Etrangement, elle n'a pas essayé de lutter.
Chaque matin, elle a trouvé devant sa porte un plateau dressé par Lolein, avec quelques victuailles. Un peu moins chaque jour, parce qu'elle n'y touchait presque pas. Parfois une fleur, en signe d'amitié. Parfois un livre...
La discrétion de ses compagnons l'a émue. Dans la Maison de l'Ordre, elle les a entendu rire, se disputer, se préparer au combat. En passant devant sa chambre, ils baissaient la voix, et leur pas se faisait velours.
Mais aujourd'hui n'est pas un jour comme les autres. Ce matin n'est pas un matin comme les autres.
Par la fenêtre le soleil inonde les ruelles d'Hurlevent. C'est un soleil qui annonce la fin de l'hiver toute proche. Pour la première fois depuis longtemps, sa chaleur s'immisce sous la peau de Salomë, qui y trouve un peu de force.
Son pas est chancelant mais décidé. Elle se dirige vers la porte, qu'elle ouvre d'une main tremblante. Le couloir lui semble immensément long, et l'escalier lui donne le vertige.
Arrivée en bas, elle annonce à voix haute: "Mes amis, je vais avoir besoin de vous... je reprends le combat"
Sa phrase semble rester en suspens, et avec la délicatesse d'une feuille morte qui virevolte au gré du vent, Salomë vacille et s'écroule sur le sol.